mercredi 21 novembre 2018

La colère des gilets jaunes témoigne de la fragilité du tout-automobile



Les manifestations qui ont commencé le 17 novembre sont le fait de gens intégrés à la société par le travail, qui vivent à la périphérie des villes moyennes ou des métropoles. C’est ce que rapportent les observateurs et les témoignages recueillis sur place.

Ils ont aussi de plus en plus de mal à payer tout ce qui va avec la vie dans un territoire périurbain. Il y a la maison bien sûr, avec son chauffage et son assurance. Et surtout, il y a les déplacements en voiture, incessants et nécessaires pour effectuer presque toutes les démarches quotidiennes, et pas seulement pour aller au travail : faire les courses au supermarché, amener les enfants à l’école, lorsque celle-ci n’est pas dans le village, et même aller chercher le pain ou passer à la pharmacie.

Leur situation géographique les rend vulnérables vis à vis des variations des prix du carburant. Et ce qui peut les inquiéter, au-delà des taxes qui focalisent leur colère, ce sont les nouvelles sur la fin du pétrole, à laquelle ils assisteront sans doute, rendue inéluctable du fait de la raréfaction progressive de cette matière première. Et aucun discours audible n’esquisse un chemin pour sortir de cette configuration. Va-t-on développer le télétravail et l’emploi local (dans l’agriculture?), ramener des services publics à proximité, développer des transports publics à la demande, des voitures partagées et légères ? Ou s’occuper enfin de la question du logement en ville, qui permettrait à des salariés d’habiter à peu de distance de leur travail et de tous les services offerts par la ville ?

Là-dessus, on peut écouter l’émission Dimanche et Après du 18 novembre 2018, sur France-Culture, avec les commentaires éclairants d’Hervé le Bras.



Mais l’objet de cette note est d’illustrer en une image comment la périphérie des villes a évolué depuis environ 50 ans.


À partir des données de recensement de l’Insee, j’ai calculé l’écart à la moyenne de la croissance de la population. Sur la carte, tout ce qui est en bleu est une population qui croît moins vite que la moyenne (qui est d’environ +50 % sur la période 1968-2013). Tout ce qui est dans des tons jaunes, orangés, croît plus vite.

Le constat est frappant. Les centres villes ont vu croître leur population dans la moyenne nationale ou, le plus souvent, beaucoup moins que ça. La population des couronnes périurbaines a augmenté rapidement, avec des multiplications par dix ou vingt par endroit. C'est valable pour les villes moyennes comme pour les métropoles.



Ces ronds autour des villes racontent cette fuite des classes moyennes des centres-villes, dans un contexte où l’État a favorisé les aides au logement à la personne au détriment des aides à la construction (réforme Barre en 1977), se désengageant ainsi progressivement du logement social. Dans le même temps, on a construit beaucoup d’autoroutes et de routes autour des villes et pour contourner les villages. Les distances domicile-travail ont explosé, mais ce sera l’objet d’un autre post et d’une autre image.