lundi 17 novembre 2014

Écotaxe : il faudrait aussi l'appliquer en ville

En 2014, les bérets rouges ont présenté leur révolte contre l'écotaxe comme la défense d'une région face à l’État central et l'expression d'un ras-le-bol fiscal. Le mot, dont la mode a été lancée par Pierre Moscovici, est-il juste pour décrire la réalité du transport routier ? Est-il au contraire légitime de voir cette révolte comme la défense d'intérêts catégoriels ? On ne va pas trancher ici sur des questions aussi complexes. On se bornera à apporter quelques éléments factuels pour cadrer un débat qui ne fait que commencer.

La vérité des coûts

La transparence des coûts possède au moins la vertu d'éclairer les citoyens sur des choix qui ne seraient pas explicites. Certaines activités peuvent en effet être silencieusement subventionnées, lorsque leurs acteurs en font supporter les coûts à d'autres. Ces coûts sont pudiquement nommés externalités, façon de dire qu'on a refilé le Mistigri à d'autres. En matière de transport, ces coûts comprennent le bruit, les embouteillages, la mauvaise qualité de l'air, les émissions de CO2, les accidents, l'usage des infrastructures. En général, seule une partie est imputée aux usagers, au moyen de péages et de taxes sur le carburant ou les véhicules. Une autre partie reste à la charge du contribuable ou des cotisants de la Sécu et des mutuelles. Je répète qu'il n'est pas illégitime de subventionner une activité mais aussi qu'il est bon de savoir qui reçoit et combien.

Sur les externalités des transports, la direction du Trésor français fournit ses statistiques, compilées par le CGDD. Après quelques calculs, à l'aide des données de trafic du ministère des transports, on peut donner une idée de ces fameux coûts.

Les sommes sont en euros constants 2010, les coûts proportionnels à la surface des disques. Les modes de transport de marchandises sont le fluvial, le rail et la route.

Le transport de marchandises est subventionné


Le premier constat est qu'aucun des modes de transport de marchandises ne paye les externalités qu'il occasionne. La surface des disques illustre l'importance de ces coûts, auxquels on a soustrait les péages et taxes acquittées par le mode en question. C'est donc un bilan et il est négatif pour les trois modes.

Il est intéressant de détailler le bilan du transport routier, qui compte seulement les poids-lourds et ignore les utilitaires légers de moins de 3,5 tonnes. On a juxtaposé au déficit (vu plus haut) la ventilation des coûts et celle des recettes. Là encore, les surfaces sont proportionnelles aux coûts.


Au chapitre recette, la TICPE est la taxe sur les carburants. Si on considérait seules les infrastructures, on penserait que les péages d'autoroutes en couvrent l'entretien. Mais ce poste est peu important, relativement à l'environnement (pollution locale et CO2, bruit, vibrations) et surtout à la congestion du trafic.

L'importance des embouteillages

Une bonne partie du problème viendrait donc des bouchons ! La comparaison des coûts marginaux tend à le confirmer. Un poids-lourd sur une autoroute dégagée coûte 22 fois moins qu'un autre progressant par à-coups dans une zone urbaine.

Le bilan des poids-lourds est positif sur les autoroutes payantes, négatif sur les nationales (que l'écotaxe devait rendre payantes pour certaines) et très négatif en ville.


L'unité utilisée est le centime d'euro constant, corrigé de l'inflation depuis 2010, par tonne-kilomètre (déplacement d'une tonne sur un km).

Le pire : la voiture en ville

La comparaison avec le coût, pour la collectivité, du déplacement d'une personne sur un kilomètre est instructive. Ici, on assimile un passage.km à une tonne.km. C'est justifié si on considère la masse moyenne d'un véhicule (1 400 kg en France) et le taux moyen d'occupation en zone urbaine (1,2 passager/véhicule).




Se déplacer en voiture en ville produit des nuisances ruineuses pour les finances publiques.
Si ces comparaisons plaident pour un péage, c'est sans doute pour le péage urbain, appliqué aux poids-lourds et aux véhicules individuels. On peut supposer que la vérité des coûts aurait un effet sur les agents économiques. Dans ce cas, elle pourrait favoriser les logistiques urbaines nouvelles, qui font appel au mode fluvial (dans les villes traversées par un fleuve) ou au vélo-cargo. La meilleure façon de favoriser ces derniers serait donc d'abaisser les subventions cachées aux modes les plus polluants, en faisant progressivement croître leur contribution à ce qu'ils coûtent.

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