jeudi 27 février 2014

Fin de Windows XP : Ne jetez pas les machines !

Windows XP arrive en fin de vie. C'est le 8 avril 2014. Et, en janvier 2014, Windows XP représente 29,3 % des systèmes de bureau, selon Netmarketshare.

Ce n'est que rarement un problème pour la plupart des consommateurs qui, séduits pas les blandices marketing des supermarchés, ont depuis longtemps troqué leur tour tout acier et leur écran CRT, livré à l'époque avec Windows XP, contre un joli *Phone noir obsidienne pour les garçon, rose HelloKitty® pour les filles. Et tout le monde se moque du système qui l'anime, pourvu qu'il y ait un *Store. Enfin, ce n'est pas vrai pour les vieux, qui achetaient des DVD de jeux dans les années 1990. Ceux-là garderont une machine virtuelle XP quelque part.

Chez les professionnels, Les évolutions sont encore plus lentes, à cause de l'adhérence des programmes, qui subsiste malgré la (re)centralisation des applications. A-t-on jamais vu une machine totalement détachée des logiciels avec lesquels elle interagit ? Et puis, il y a le matériel. J'ai eu l'exemple d'un scanner à négatif haut de gamme et hors de prix, inutilisable sans un pilote XP.

J'ai été surpris d'apprendre que de nombreux dispositifs informatiques qui ne sont pas des PC, sont équipés de Windows XP. C'est le cas de distributeurs bancaires, comme une récente affaire de piratage l'a rappelé. C'est aussi le cas de contrôleurs d'équipements industriels, dont on ne change pas le code comme on repasse une couche de peinture. Et certains de ces appareils sont reliés à internet. La question a été soulevée lors du panorama de la cybercriminalité du Clusif, en janvier.

IT is legacy

Contrairement à une idée courante, l'informatique n'est pas une course sans répit à la nouveauté. C'est au contraire, « l'art d'empiler les technologies au fil du temps » comme me confiait un DSI. Les bus applicatifs, les proxies inverses, la virtualisation, l'urbanisation des SI, toutes ces techniques, ces méthodes, servent à accommoder l'héritage.

Garder ce qui fonctionne, c'est un principe économique. C'est aussi une nécessité devant la raréfaction des matières premières et de l'énergie. La construction d'un ordinateur neuf en mobilise de belles quantités, tandis que la prolongation de la vie du matériel épargne beaucoup de ces ressources non renouvelables et en voie d'épuisement.

Ne pas jeter !


Un Power Macintosh G5. Image par Grm_wnr.

Un matériel informatique devrait pouvoir durer plus de six ans, comme le recommande le groupe EcoInfo du CNRS. À mon avis, on peut aller un peu plus loin pour les machines professionnelles. Même celles conçues vers 2005 sont encore capables de rendre de grands services, d'autant que le besoin de puissance de traitement pour les tâches courantes stagne depuis lors. Pour les portables, tout ce qui a un Core 2 Duo@1,5 Ghz est parfait pour le web, si on oublie les vidéos 1080. On en trouve d'occasion à 150 €. Les stations de travail de l'époque sont parfois des aubaines. Sur le Macintosh G5 bi-processeurs, la bande passante du chipset est supérieure à 20 Go/s, ce qui n'est pas éloigné des bons PC actuels. Avec cinq ports PCI Express (dont un 16x) et deux Gigabits Ethernet, il fait un serveur tout à fait crédible pour un groupe de travail.

Quelle rénovation ?

Suivant l'usage prévu, on peut ajouter de la mémoire. Le remplacement des disques, qui après cinq ans pourraient manquer de fiabilité, ne sera sans doute pas en option. Les SSD sont particulièrement intéressants pour les portables. Pour le logiciel, il n'est pas toujours possible d'effectuer la mise à jour vers la version actuelle du système, à cause des exigences en ressources de celui-ci ou de ses incompatibilités avec l'ancien matériel. Un système Linux ou BSD quelconque est souvent le seul choix possible. Mais c'est aussi le meilleur si on considère leur aptitude à être utilisés dans une grande variété de situations.

Linux au travail

Récemment, j'ai affecté un Mac G5 dans le rôle de serveur de fichiers et de sauvegardes, pour une association dont l'informatique est en partie de ma responsabilité. La conception de cette machine est à pleurer de joie et on la dirait faite pour marcher pendant cinquante ans encore. Elle servait de station de PAO, mais son système, qui n'est plus mis à jour par Apple depuis longtemps, est devenu presque inutilisable. Après un essai avec NetBSD, qui posait quelques problèmes, le G5 a hérité d'une Debian 7, dans sa déclinaison pour Power Macintosh. Netatalk, un logiciel serveur de fichiers (Apple Filling Protocol), a pu interconnecter les (très) vieux Mac, dont il fallait extraire des données archivées, et les Mac Intel, qui ont traduit ces fichiers dans un format moderne.

Il restait à créer un partage Windows en réseau, pour que les Mac puissent échanger des données avec le système d'information géographique sous Windows 7 et offrir à ce dernier un espace de sauvegarde. Là, on a confié le travail à Samba 3, qui donne au Mac G5 tous les attributs d'un serveur Windows. Une mise à jour du réseau vers le Gigabit Ethernet ne sera pas du luxe, considérant le volume des données à échanger, plusieurs dizaines de gigaoctets à chaque fois.

Cet exemple illustre comment du matériel ancien peut continuer à servir, alors même que les éditeurs de systèmes fermés s'en désintéressent.

lundi 10 février 2014

Libé, réseau social ?

À la lecture du peu d'information parue sur le projet des actionnaires de Libération, il est bien difficile d'émettre un avis ou une critique un peu argumentés. Erwann Gaucher fait observer avec raison que l'immobilier parisien ne serait pas une si mauvaise vache à lait et que le slogan « Le Flore du XXIe siècle » sonne un peu creux tant qu'on ne voit pas ce qu'on va y mettre dedans. Cette réserve faite, je pense que l'idée de faire d'un journal un réseau social n'est pas fondamentalement mauvaise (je la défends dans un précédent billet). Mais là encore, il faut s'entendre sur ce que ça signifie.
Les réseaux sociaux numériques sont aujourd'hui des carrefours où l'on échange contenus et discussions. Ces contenus, apportés par les utilisateurs, sont produits par des professionnels ou les utilisateurs eux-mêmes et ils ne coûtent rien aux opérateurs de ces réseaux sociaux. Ces opérateurs se sont placés au centre du processus de diffusion de l'information et ils en tirent une masse de renseignements utiles au commerce et à la publicité. Les médias qui payent des professionnels pour produire de l'information se sont laissés déposséder d'une partie très significative de la distribution numérique et des revenus qui y sont attachés.
Pour revenir au centre de la Toile, les journaux doivent cesser d'être des cul-de-sac – des points d'arrivée – mais des lieux d'échange – des carrefours. C'est ainsi que je comprends l'idée de « hub d'information » exposée par Nicolas Kayser-Brill. Le datajournalisme intéresse la phase amont du flux d'information, la capacité des médias à traiter, avec leur savoir-faire et leur éthique, la masse de données qui arrive. Le réseau social, c'est l'aval du processus, le devenir de l'information – et sa commercialisation. Ça signifie que les journaux numériques devraient intégrer, à l'image de Facebook, Twitter, G+, des fonctions de contacts interpersonnels, de partage de liens (y compris en provenance de concurrents), mais aussi de crowdsourcing, ainsi que des API (interfaces de programmation).
Si on était dans les années 1950, le Flore ne serait pas une si mauvaise image. C'était un café fréquenté par des intellectuels et des artistes et on y lisait la presse de qualité. Aujourd'hui, le café y est hors de prix et on peut y voir des voitures de sport italiennes garées devant. Pas sûr que cet attirail cliquant soit le meilleur symbole de la presse à l'âge numérique. On croise les doigts pour Libé.