La pénurie d'adresses internet IPv4 est pour bientôt. Or, la transition vers l'adressage IPv6 n'est pas achevée, il s'en faut de beaucoup. On avait pourtant tout le temps pour s'y préparer. Petit retour en arrière pour comprendre ce qui va se passer dans les mois qui viennent.
Il y a quinze ans, fleurissaient les premiers articles sur IPv6 dans la presse spécialisée. Depuis, le thème a été rabâché à l'envie, un vrai marronier. Il faut dire, c'était un sujet parfait. De la belle technique, de la prospective et peu de contradicteurs. Démonstration.
Une adresse IP (quelle que soit sa version, 4 ou 6), est un peu l'équivalent d'un numéro de téléphone. Le protocole internet est le cœur battant de l'infrastructure d'acheminement des paquets de données. IPv4, en usage depuis les années 1980, venait d'une époque où l'on ne concevait pas que des milliards d'ordinateurs personnels, consoles de jeu, téléphones ou fours à micro-ondes, puissent un jour rejoindre ce réseau. La limite de 4,2 milliards d'adresses v4 disponibles semblait ne jamais devoir en être une. Plus tard, en pleine révolution de la micro-informatique et alors que l'internet commercial décollait à la verticale, on s'inquiétait que cette croissance bute rapidement sur la raréfaction des adresses. Sans compter les insuffisances congénitales de IPv4 pour garantir la sécurité, un débit minimum ou une latence maximum et des communications mobiles - toutes choses nécessaires aux nouveaux usages populaires du réseau - et surmontées au prix de l'empilement de solutions chères, inélégantes ou les deux. IPv6, conçu par de brillants esprits, à la lumière de l'expérience, serait la réponse définitive. Un nombre d'adresse invraisemblable, comparable à la masse du soleil exprimée en miligrammes, multiplié par cent, et un robuste mécanisme d'extension viendrait à bout de tous les défis posés par l'imagination humaine. C'était l'avenir.
Je n'ai pas résisté à la tentation de le refaire, une dernière fois. Parce que c'est bien fini. Depuis le 3 février, c'est officiel, l'IANA, la maison mère, n'a plus d'adresse v4 en stock. Les registres régionaux (RIPE-NCC, LACNIC, AFRINIC, ARIN, APNIC) ont encore des réserves, sauf pour l'APNIC, en charge de la zone Asie Pacifique, qui a commencé à rationner les fournisseurs d'accès et les entreprises et les pousse à passer à IPv6. D'après l'AFNIC, l'association en charge du domaine .fr, il reste un an d'adresse IPv4 en Europe, selon un communiqué récent.
Le passage à IPv6 est encore devant nous et on est dans le mur. Pourquoi ? Entre une machine uniquement v4 et une autre uniquement v6, la communication est impossible. Le plan original tablait sur une transition progressive, avec très vite des machines pourvues d'une double pile (adresse v4 + v6), faisant le pont entre les deux mondes. Avant que le stock d'adresses v4 soit vide, tout le monde devrait être sur v6. Mais ça n'a pas marché comme ça. Des initiatives pour adapter OS, logiciels et matériels, existent depuis plus de dix ans. Mais l'adoption du protocole par les fournisseurs de services (dont les FAI) est récente et timide. L'explication que j'ai entendue souvent au cours de mes enquêtes est "il n'y a pas assez de demande". La pénurie pourrait bien changer ce point.
À présent, on va avoir des îles IPv6 face à un continent 100% IPv4. Des solutions de traduction sont élaborées. Mais ça risque d'être cher, inélégant ou les deux.
Une enquête publiée dans PC Expert sur l'avancement de la transition, novembre 2008:
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