Six jours après la diffusion sur France 2 de Complément d’enquête du 28 février 2011, un des témoin intervenant dans l’émission est arrêté par la police. Il s’agit de «Karl», un pirate informatique qui avait dérobé des documents sur des sites de l’industriel Thales (ex-Thomson, société française d’armements) et faisait prospérer un commerce de cartes bancaires volées dans des systèmes informatiques d’hôtels et de commerces de luxe.
D’après le site d’information Zataz.com (http://www.zataz.com/news/21145/prison--hacker--hacktiviste.html), les journalistes ont aidés, involontairement sans doute, à cette arrestation. Sur l’écran du cracker filmé par l’équipe de tournage, un pseudo non effacé au montage aurait guidé les enquêteurs de la police. La version archivée sur le site de France 2 (http://www.dailymotion.com/video/xhcau7_internet-wikileaks-transparence-complement-d-enquete-2-5_news) ne comporte pas cette séquence mais cette fuite de pseudo est vraisemblabme. Dans le reste du reportage, on peut relever d’autres indices comme des lieux reconnaissables (un restaurant dans la tour Montparnasse), les logiciels utilisés, certains bouts de codes et même un mot de passe filmés à l’écran du pirate. À un moment, un autre pirate vérifie sur le site www.mon-ip.com que son adresse IP a bien été modifiée et on voit les deux premiers octets de l’adresse, la date et l’heure. Pris isolément, ces fragments ne servent à rien mais recoupés avec d’autres indices collectés du côté des serveurs attaqués (l’heure aide beaucoup ici), ils peuvent faire avancer une enquête policière.
On peut s’interroger sur les motivations troubles et l’hallucinante naïveté de Karl qui se vante de s’attaquer aux monstres froids avec des moyens dérisoires. Ensuite, cette triste histoire révèle la persistance d’idées fausses vis à vis des journalistes. D’après Zataz, Karl aurait trouvé le reportage injuste à son égard, en coupant certains passages qu’il jugeait importants. Il va l’apprendre à ses dépens, on ne maîtrise pas ce qu’un journaliste fait d’une interview qu’on lui accorde. Cette autonomie du journaliste est nécessaire à une démocratie et doit être acceptée même si ce n’est pas toujours facile d’accorder sa confiance.
De l'autre côté, il faut essayer de se montrer digne de cette confiance. Je trouve les confrères un peu légers sur la protection des sources et ils n’ont pas rendu un grand service à ceux qui voudraient approfondir ce sujet. Dans certains milieux, ce genre d'affaire médiatique est à même de déconsidérer toute la profession. Bon, d'accord elle l'est déjà mais c'est pas une raison pour en rajouter. Un conseil technique un peu pointu au moment du montage n’aurait pas été du luxe. Dans l’intérêt du droit à l’information, il faut protéger les sources, même contre leurs propres inconséquences.
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