Dans combien de temps pourra-t-on compter la voiture à hydrogène comme une des solutions aux problèmes de la voiture ? Une rencontre avec des chercheurs du CNRS autour de la projection d'un documentaire nous a donné quelques indices.
Les pistes de recherche portent sur plusieurs aspects du cycle "de l'éolienne à la roue", l'équivalent de "du puits à la roue" pour le pétrole. On peut d'abord améliorer le rendement de l'électrolyse, le craquage de l'eau en ses constituants (oxygène et hydrogène) avec de l'électricité, en travaillant à des pressions de l'ordre de 700 à 1000 bars. Aujourd'hui, en extrayant l'hydrogène à partir du méthane, on circule en voiture en émettant 50 % de moins de CO² qu'avec de l'essence. Mais l'idéal serait de se passer totalement d'une source émettrice de carbone, en accumulant sous forme d'énergie hydrogène l'électricité produite en excès par les éoliennes, le photo-voltaïque et les centrales nucléaires en période de faible consommation. Selon un chercheur, en une nuit, une centrale nucléaire pourrait produire 50 tonnes de H². Ce serait plus intéressant que de vendre le surplus de courant en Suisse, où l'on remonte des masses d'eau dans des réservoirs de montagne. L'électrolyse à haut rendement pourrait répondre en partie à la critique adressée aux énergies de flux décarbonnées, qu'elles sont intermittentes et incapables de suivre les besoins.
Autre voie où la recherche doit progresser pour que l'auto entre dans l'après-pétrole, l'utilisation mesurée du platine comme catalyseur dans la pile à combustible. On rappelle que la voiture à hydrogène est un véhicule électrique qui produit son courant à partir d'une pile à combustible (PAC). Celle-ci entretient une réaction électro-chimique inverse de l'électrolyse et combine l'hydrogène et l'oxygène de l'air en produisant du courant électrique et de l'eau. Mais la réaction doit être maintenue par un catalyseur, le platine, métal rare et cher. Une PAC dure aujourd'hui 2500 heures (100000 à 150000 km) et coûte 20000 €, avec 50 grammes de platine travaillé. En fin de vie, on peut en récupérer 50 %. Si le parc automobile était aujourd'hui équipé de PAC, on en aurait pour 15 ans de platine. Des chercheurs travaillent donc la question. Une équipe a multiplié par 35 à 50 l'utilisation du métal en le déposant en couches de quelques atomes sur les électrodes. Une autre met au point des catalyseurs calqués sur les mécanismes enzymatiques des algues. Mais il faudrait encore en multiplier l'efficacité par cent pour remplacer le platine. Enfin, le stockage de H² nécessite des progrès : la compression à 700 bars nécessite 30 % de l'energie que contient le combustible, plus encore pour la liquéfaction (à - 253 °C). Les recherches portent ici sur les hydrures, qui absorbent de grandes quantités de gaz sous des pressions de l'ordre de 10 bars seulement. Les hydrures actuels sont trop lourds mais les nanotubes de carbone sont des candidats prometteurs pour les remplacer.
Toujours selon ces chercheurs, les coûts de la voiture à hydrogène deviendraient acceptables à partir de 2015, à condition d'adapter aux conditions locales la distribution du gaz. Faire voyager un camion citerne de H² sur 300 km coûterait aussi cher que de produire le combustible transporté. Mais on pourrait aussi exploiter la partie fermentescible des ordures ménagères, lesquelles produiraient assez de H² pour alimenter cinq fois les bennes de ramassage. Une sorte de gestion locale de la production d'énergie.
À ma question "la voiture électrique (à accumulateurs) va-t-elle couper l'herbe sous les roues de la voiture à hydrogène ?" la réponse arrive, diplomatique mais un poil énervée, "c'est complémentaire". La PAC donne plus de puissance, même avec de basses températures, se recharge en quelques minutes. Pour les gros véhicules, c'est la seule solution électrique. En plus, les deux partagent tout l'aval de la chaîne de traction : moteurs, transmission, électronique de puissance ... Mais l'argument le plus déterminant à mon avis : "On va vers une électrification du transport individuel, pour limiter les émissions de polluants locaux et se débarrasser des énergies fossiles. Ce sera très dur. Sans mauvais jeu de mots, il faudra faire feu de tout bois, mettre en oeuvre plusieurs réponses, dont l'hydrogène."
Le moteur à explosion actuel semble condamné. Il ne passera que très difficilement les futures normes anti-pollution et moins bien encore les futurs chocs pétroliers. Avec les récents modèles électriques, les constructeurs se préparent à ce qui va suivre. Mais tout le monde n'est pas prêt, et préfère croire aux bons vieux miracles, fussent-ils "scientifiques". Dans la salle, une question :
- "Peut-on envisager la production d'hydrogène directement dans la voiture ?"- "Oui, très bonne question, les techniques de réformage d'hydrocarbures évitent le problème de distribution de H² mais ramènent la dépendance aux fossiles".- Non, avec de l'eau...- Ah, mais alors c'est le retour de la voiture à eau ! Non, l'eau est le le déchet de la réaction de combustion de l'hydrogène. L'eau est très stable, on ne peut pas en extraire de l'énergie qui de toute façon ne s'y trouve pas.
L'anecdote parle à la fois de la faible diffusion de notions scientifiques simples et de l'incrédulité générale devant ce qui arrive, la fin du monde tel que nous l'avons connu. Un chercheur dit ça simplement: "En 2050, on ne boucle pas l'équation énergétique".
Sur les notions de base de de la chimie, il faut écouter la chronique de Philippe Meyer du 11 octobre 2010 sur France Culture: "l'enfer est-il exothermique ou endothermique ?" Je vous rassure, elle finit bien.
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